L’ombre d’Hitler. Les services secrets américains et les criminels nazis pendant la guerre froide – 2022

Richard Breitman et Norman J.W. Goda

En dehors de l’Église catholique, la République fédérale américaine fondée en 1776 est la seule entité constituée à oser s’identifier à la morale universelle. La « raison d’Etat », au sens classique que pouvaient lui assigner Richelieu ou Napoléon – tout subordonner à l’intérêt de la collectivité dont le gouvernement est comptable – lui est donc largement étrangère. Ce qui compte n’est pas tant de sauver la nation américaine, dont l’existence n’a jamais été menacée par quiconque depuis la Guerre d’indépendance, que le lui permettre d’imposer ses normes, de gré ou de force, à tout ce qui n’est pas elle – comprendre : « The rest of the World », formule qui, à elle seule, en dit long…

En proclamant que « la cause de l’Amérique est celle de toute l’humanité », George Washington n’a pas seulement légué à ses successeurs un formidable instrument d’ingérence internationale ; il a institué le gouvernement des États-Unis en juge planétaire… Un magistrat universel nanti du pouvoir exorbitant de calquer les attendus de ces décisions sur ses intérêts du moment ! 

C’est tout le paradoxe du tribunal de Nuremberg, créé à la demande des Etats-Unis pour sanctionner les crimes dits « contre l’humanité », mais dont la définition, loin d’être objective, fut soumise à la discrétion des vainqueurs. Tandis que l’on condamnait, à juste titre, le racisme et l’antisémitisme qui avaient conduit à la Shoah, on s’abstenait souverainement de demander des comptes aux Britanniques qui, en 1945 encore, comptabilisaient tranquillement les aborigènes d’Australie paris la faune ! Pire, se mettait en place une jurisprudence secrète permettant aux Alliés, et principalement aux Américains, de dire, à crimes égaux, qui était criminel et qui ne l’était pas. Sur quel critère? « L’employabilité » des vaincus, fussent-ils des tueurs professionnels, et justement parce qu’ils l’étaient, au service de la « libido dominandi » du vainqueur. 

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