Jacques Baud
Extrait de l’ouvrage: Conclusions sur l’affaire Skripal
Lors de l’émission de « C dans l’air » du 16 mars 2018, sur France 5, les « experts » n’émettent aucun doute sur une implication directe de Vladimir Poutine dans l’affaire Skripal. Pourtant, l’accusation britannique n’est que circonstancielle : elle ne s’appuie pas sur des faits, mais sur des potentialités et des hypothèses.
C’est un schéma qui suit exactement celui des théories complotistes : on assemble des éléments en fonction de préjugés et non de faits. En combinant les mêmes éléments de manière différente, on pourrait tout aussi bien accuser la Grande-Bretagne du même crime. Ce que certains ont fait…
Theresa May a immédiatement dramatisé l’incident et invoqué la solidarité des pays de l’Otan, alors même qu’on n’en connaissait pas encore tous les détails. En le considérant comme une « attachée chimique » contre la Grande-Bretagne, et pas seulement comme un empoisonnement, on l’a délibérément placé dans le registre supérieur d’un conflit international.
Mais ici aussi, les Occidentaux ne sont pas cohérents. On invoquer la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, mais on n’applique pas ses procédures pour le règlement des litiges. En cas de « situation qui suscite une préoccupation quant au non-respect éventuel » de la convention, l’Etat à qui on demande un éclaircissement a dix jours pour y répondre. Mais ici la Grande-Bretagne n’a donné que 24 heures à la Russie. Par ailleurs, elle a refusé de fournir des détails sur l’incident, ainsi que des échantillons de poison et sanguins demandé par la Russie afin de prendre position. Un peu comme si l’on craignait une vérité différente.
La Grande-Bretagne a ainsi appliqué une stratégie de la tension, visant à créer l’union nationale et une solidarité internationale autour d’une « attaque extérieur ». Ce qui ne signifie pas nécessairement que le gouvernement britannique ait empoisonné les Skripal, mais qu’il aurait opportunément exploité l’incident à des fins politiciennes.
En 2016, le contexte géostratégique est tendu : la crise ukrainienne s’éternise, les Occidentaux perdent pied au Moyen-Orient, le gouvernement britannique est dépassé par le Brexit, les mouvements sociaux commencent à ébranler la présidence de Macron, l’Otan doute des relation transatlantiques et l’esprit européen se craquelle sous la pression de l’immigration.
Il est difficile de ne pas voir dans la précipitation de la réponse occidentale – alors qu’on ne sait même pas quelle est la nature exacte du poison – une tentative de distraire les opinions publiques de leurs problèmes nationaux.
Entretien avec Jacques Baud du 13 octobre 2020 sur Russia Today




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