Chris Hedges
Extrait de l’ouvrage: Enclaves lexicales impénétrables, élites incultes et absence de débat
Dernièrement, j’ai vu une ex-camarade de classe de Harvard; elle est maintenant prof de théologie. Quand je lui ai demandé ce qu’elle enseignait, elle m’a inondé d’un torrent de termes abscons issus du jargon de sa spécialité. Malgré trois années passées au séminaire, je n’ai strictement rien compris de ce qu’elle m’a dit.
Cet enfermement dans des enclaves lexicales impénétrables est le fait de toutes les facultés et disciplines universitaires des Etats-Unis. Plus les universités produisent de diplômés à l’esprit atrophié, plus la société est envahie de ces étranges spécialistes qui parlent un mystérieux langage codé pour ne pas avoir à communiquer véritablement.
Aveuglément, les experts maintiennent la hiérarchie capitaliste qu’on ne leur a jamais appris à remettre en cause et toisent avec un mépris à peine voilé ceux de leurs concitoyens qui ne saisissent rien de leur discours et de leurs écrits.
Selon tous les critères propres à la tradition occidentale, ces spécialistes ont incultes. Il sont incapables d’appréhender le rapport essentiel entre pouvoir et moral. Ils ont oublié, s’ils l’ont jamais su, que les traditions morales sont le produit de la civilisation. Ils en savent d’ailleurs très peu sur leur propre civilisation, si bien qu’ils ignorent comment en assurer la pérennité.
Les dialectes confidentiels que parlent les élites contemporaines font obstacle à la communication et au sens commun. Les escros de la finance et les économistes qui ont bricolé le système financier américain persistent à s’adresser à nous dans le langage ésotérique des spécialistes de Wall Street et des grandes écoles de gestion. En employant des termes comme « titrisation, désendettement, fonds commun de créances » ou « couverture de défaillance », ils excluent leurs concitoyens du débat.
Extrait de l’ouvrage: Les photos de la prison d’Abu Ghraid en Iraq de 2006
Les photos de la prison d’Abu Ghraid qui on été publiées en 2006, de même que les centaines d’autres resté classifiées, pourraient tout aussi bien avoir été prises sur le plateau d’un film porno. L’une d’elles montre un homme agenouillé devant un autre comme s’il faisait une fellation; sur une autre, on voit un prisonnier tenu en laisse par une soldate américaine. Il y a aussi des clichés d’hommes nus et enchaînés, ou encore d’un groupe de captifs nus, empilés les uns sur les autres même le sol, dans une scène évoquant un « gang bang » carcéral.
Des centaines d’autres photos, qui sont tenues secrètes mais que des membres du Congrès américain ont pu voir à huis clos, montrent des prisonniers irakiens contraints à des séances de masturbation forcée et à des actes sexuels simulés. On rapporte également l’existence d’images de relations sexuelles entre gardiens.
Toutes ces photographies témoignent de l’existence d’un puissant courant de brutalisé sexuelle et perverse dans la culture contemporaine. Elles emploient le même langage que la pornographie, la lutte professionnelle, la télé-réalité, les vidéoclips et la culture d’entreprise: celui du contrôle absolu, de la domination totale, de la haine raciale, du fétichisme de l’esclavage, de la soumission et de l’humiliation. Bref, le langage d’un monde sans pitié.





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